Friday, February 1, 2013

J'ai rencontré la femme de ma vie...




C'était l'automne, il y a longtemps. Un automne gris et froid, ou peut-être pas mais c'est comme ça que je m'en souviens. Lui, mon frère que je n'avais jamais vraiment su apprécier, était parti dans une autre ville et une autre vie. Lui, le premier homme que j'ai aimé, ne m'avait pas comprise et en avait choisi une autre. Elle, l'amie avec laquelle j'avais tant partagé, s'était perdue dans une vie à laquelle j'étais étrangère. Eux, mes parents forcément imparfaits, ne savaient pas voir qui j'étais. J'étais seule.
Pas la solitude physique, oh non, car malgré ce que je viens de dire, j'étais très entourée: cours, sport, je ne manquais ni de vie sociale ni d'occupations.
Mais j'étais seule, même au milieu d'une foule, même dans une équipe de handball, même avec mes copines, comme un zèbre au milieu d'un troupeau de chevaux: ressemblant mais différente et consciente de l'être. Seule, encore seule, toujours seule, seule, seule...

Vraiment seule? Vous croyez? Non, c'est là qu'elle est arrivée. Tout doucement d'abord, parce qu'elle savait qu'elle me faisait peur, j'avais entendu dire tellement de mal d'elle. Elle avait peur aussi, peur de se dévoiler et d'entendre ce que moi j'allais en penser, peur qu'avant même de la connaître, je la rejette.




Elle m'a dit tout bas d'abord, et de plus en plus fort "mais non, tu n'es pas seule, je suis là moi, tu sais, Moi. J'aimerais bien qu'on se découvre, parce que comme ça, nous ne serions plus jamais seules, ni moi, ni toi." Je l'ai regardée. Bien moins monstrueuse qu'on me l'avait décrite, humaine, avec des défauts, des qualités, des choses à changer et d'autres à chérir.



Je l'ai écoutée, je l'ai regardée et j'ai décidé de l'accepter, de passer le reste de ma vie avec elle. Après tout, c'est la seule personne dont je suis persuadée qu'elle sera avec moi jusqu'à mon dernier jour, quoi qu'il arrive, alors ce serait vraiment dommage de passer ma vie avec une inconnue.
J'avais 16 ans à l'époque, et je me suis vite rendue compte que c'est un âge encore jeune pour découvrir qui on est. Je me souviens que quand je suis partie à l'université et que j'ai vécu dans un foyer, ma chambre de 9m2 décorée de super-héros, personnages de cartoon et bandes dessinées, avec mes CD de Dead Can Dance et Frank Sinatra,  tranchait avec les chambres sans identité de mes petites camarades. Assez vite, je suis devenue "étrange", mais bizarrement, il y avait toujours du monde dans ma petite chambre. C'est marrant ça d'ailleurs, à quel point les gens sont fascinés par ceux qui se connaissent, tout en ayant pas le courage de faire pareil, alors ils dansent dans cette attraction-critique permanente...
 
J'ai parfois écouté ces voix qui disaient "étrange, bizarre, pas normale", il y a eu des moments où j'essayais de changer pour faire plaisir aux autres, et il y avait toujours d'autres voix pour dire "étrange, bizarre, pas normale", mais parmi ces voix, il y avait la sienne qui disait "pourquoi tu me laisses toute seule?" et cette voix me fendait le cœur. Mais je lui répondais "Je ne peux pas rester avec toi, c'est trop dur d'être différente", mais elle ne me lâchait pas, et je revenais, toujours.

Jusqu'à ce dimanche d'avril où en lisant les dernières pages d'un manuscrit imprimé, je me suis mise à pleurer, sans même m'en rendre compte. A pleurer comme j'avais vu des couples pleurer alors qu'ils se juraient fidélité et assistance, à pleurer comme j'avais vu des mères pleurer en tenant leur enfant, ces larmes irrépressibles car à ce moment précis, j'ai compris quelles grandes choses nous pouvions faire ensemble, elle et moi. Ces 450 pages imprimées, écrites dans la sueur, les larmes, les critiques, les "mais à quoi ça va donc te servir??", nous les avions finies, et ce qu'elles contenaient était brillant je le savais, et depuis d'autres me l'ont dit.
Ce jour-là  j'ai su, de façon certaine et définitive, que plus personne ne pourrait me séparer d'elle, que malgré mes infidélités, elle avait toujours été là, qu'elle était ce que j'étais et qu'ensemble nous faisions de grandes choses.



Alors bien sûr, je ne suis pas parfaite, loin de là, mais je sais qui je suis, je sais quels sont mes défauts, quelles sont mes qualités, ce que je peux corriger et ce qui fait partie de moi, sans aucune honte. Il y a encore des moments où je l'oublie un peu, elle, mais ça ne dure pas, elle sait se faire rappeler à mon bon souvenir.

Il y a toujours des gens qui jugent, qui critiquent, il y en aura toujours, mais je m'en contre-fiche, parce que personne ne me connaît comme je me connais, alors quoi que vous disiez, soit ça tombe à côté, soit je le sais déjà, et ça ne peut pas me blesser. Et vous savez, les gens qui critiquent en disent souvent beaucoup plus long sur eux-mêmes que sur vous... (alors attention, je ne dis pas que je ne me remets jamais en question, je le fais très souvent bien au contraire, mais pas sur la base de critiques vides de sens)

Pourquoi est-ce que d'un coup je vous raconte tout ça? Parce que la méconnaissance de soi, le manque de confiance en soi (en même temps, si vous ne savez pas de quoi est fait un pont, avez-vous confiance pour traverser?), le fait de ne pas supporter le jugement et en même temps de tout critiquer et juger, de souffrir du regard des autres, sont les grands maux de notre époque, je les vois tous les jours.

Il est facile de dire des phrases creuses comme "il faut s'aimer pour être aimé", mais pour s'aimer, il faut se connaître.

Je ne vais pas vous mentir, c'est long, c'est difficile, car  nous vivons dans une société qui n'aime pas  les individus qui font leurs propres choix, elle préfère les gens qui aiment quelque chose car un commercial leur dit qu'il faut aimer. C'est long et difficile car il faut pratiquer son propre examen anatomique, ouvrir et regarder au microscope chaque recoin de son être et savoir l'analyser le plus objectivement possible, en faisant taire toutes les petites voix négatives qui parasitent votre évaluation. Cela prend du temps, de l'énergie, mais si vous y arrivez, vous serez à jamais libre d'être vous-même et croyez-moi, ça n'a pas de prix :)



 (j'ai mis beaucoup de temps à écrire cet article, excusez-moi s'il est un peu décousu, j'espère que vous comprendrez le message principal!!)

17 comments:

  1. Je comprends et je plussoie.

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  2. Très joli article, et c'est d'autant plus beau quand c'est décousu, c'est plus vrai :)
    Comme dirait Axelle, je plussoie :)

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    1. Merci ma Bulle, ça me touche ce que tu dis là <3

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  3. C'est magnifique, et je pense que tout le monde aimerait se connaitre et s'aimer de cette manière...

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    1. C'est tout le mal que je souhaite à la terre entière!! merci :)

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  4. Superbe billet, touchant ! Je le trouve très bien, pas décousu du tout, il reflete un fil de pensée qui se suit facilement !
    J'admire d'ailleurs ta façon d'exprimer les choses et ta façon de penser aussi !

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    1. Ah ben voilà, j'suis toute rouge maintenant!! merci :)

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  5. Très joli billet, très émouvant aussi.

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  6. Ya des billets comme ça qui te rentrent dans le ventre en même temps que tu les lis. Merci.

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    1. Toute chose rare est précieuse: je sais que tu me lis, mais pour que tu commentes, faut vraiment que j'envoie du lourd!!! Merci à toi ma sardine!

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  7. Té tu m'a foutu la larmes *même pas la faute des hormones non non non >.<*
    Très beau billet ! On devrait tous pouvoir arriver à ce genre de constat. Être suffisamment courageux pour s'affronter soit-même avant d'affronter les autres. Alors juste bravo ♥♥♥

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    1. Oh ben non ma chérie, faut pas pleurer!! Merci pour tes mots, ça me touche beaucoup <3

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